FAUVE – TUNNEL & Extrait Chapitre 6 « Partir ».

Un petit parallèle entre deux univers :

Paroles FAUVE – TUNNEL

« On a parfois le cœur soulevé par la sauvagerie du monde. On est écœuré par la montée de nouvelles tyrannies, le raffinement des anciennes, par les mensonges, l’odeur du fumier dans les villes et l’horreur qui pèse sur tous nos lendemains.

On s’engloutit alors dans un sombre désespoir. On a peur, on a honte et on est triste d’être humain. On réclame en pleurant une naissance nouvelle ou du moins l’admission par baptême dans une nouvelle confrérie.

Mais on redoute de ne pouvoir obtenir ni l’une ni l’autre. Que le monde refuse de s’arrêter pour nous. Et qu’on ne peut que le quitter d’un bond, pour plonger dans une douteuse éternité.

Notre foyer lui-même nous semble hostile, comme si tous les talismans qui définissaient notre identité s’étaient retournés contre nous. On se sent déchiré, mis en pièces et en morceaux. On comprend alors avec terreur que si on ne peut pas s’asseoir pour réunir ces morceaux et les assembler à nouveau, on va devenir fou.

Mais parfois se produit pourtant une manière d’événement mystérieux et éblouissant, qu’on contemple encore longtemps après avec un émerveillement mêlé du respect qu’impose le sacré. »

FAUVE

 

EXTRAIT CHAPITRE 6 du second roman en cours d’écriture :

Partir. Une question perpétuelle qui s’invite alors dès le lever du jour et ressurgit quand le sommeil maltraite nos nerfs. Une rengaine qui toque à la porte chaque fois que l’on égare les raisons de rester ici, et surtout lorsque l’on a tout perdu. En voilà donc des prétextes : quand l’amour nous a tué de sang-froid, quand nos proches sont partis rejoindre le clan des disparus, quand notre précieux CDI a été rongé par les impératifs économiques. On se projette alors dans des paysages coloriés aux pastels, libre de ses faits et gestes et livrés à soi-même. Pourtant, si nous en sommes tous venu à se poser la question un jour, c’est parce que cette idée vérace est une réponse pulsionnelle à notre monde. Plus qu’une solution, elle est une urgence. Et si l’on doit encore la justifier aux yeux des autres à l’heure où notre système dévisage les choix déraisonnés, c’est parce que nous sommes déconnectés.
Déconnectés du temps, de la virtuosité de l’Homme à pourchasser ses buts, de la surprise et méprisée notion d’évolution.
Contrairement à nos illustres ancêtres, eux qui vomiraient notre léthargie chronique, notre monde est figé. La faute à cette victoire capitaliste que personne ne remet en question, à cette idéologie que chacun prend pour acquise, à cette atonie qui sèche nos actes de responsabilité. Voila donc ce qui nous pousse à hisser les voiles, cette absence douloureuse de marge de manœuvre. On décèle alors dans cette notion de « Partir » un moyen de contrecarrer cette finalité qui nous crève. Face à un monde qui ne se remet plus en cause, on part dénicher ailleurs ces remises en question capables de nous percer les yeux. On y entrevoit alors cette lueur infime de retrouver cette réflexion divine que l’Homme a réussi à développer tout au long de son existence, le tout dans un jardin lointain saturé d’espoir.

Stéphane JOUANNY